Projets de recherche
Institutionnalisations des conseillers scientifiques en chef : trajectoires politique et épistémique depuis les années 1990
Description
Ce projet de recherche vise à décrire et à comprendre les processus intellectuels et socio-politiques ayant progressivement conduit à l'institutionnalisation récente du modèle du conseiller scientifique en chef (CSC) dans diverses juridictions du Nord global. Ce modèle attribue à une seule personne le double mandat (1) d'organiser le conseil scientifique dans tous les secteurs d'activité du gouvernement et (2) d'offrir aux décideurs des conseils éclairés par les résultats d'une démarche de recherche scientifique, et ce sans restriction sur le domaine de recherche. Le modèle a été adopté dans les vingt dernières années par de nombreuses juridictions, incluant le Canada, l'Irlande, l'Écosse, la Nouvelle-Zélande, la Commission européenne et le Québec. Il a parfois été aboli (Canada en 2008, Commission européenne en 2011) ou explicitement rejeté (France en 2023).
Bien que cette popularité internationale soit lourde de conséquences pour l'interface entre science et politique, aucune étude rigoureuse n'a été consacrée à ce phénomène. Les défis relevés par le présent projet incluent donc la caractérisation des schémas argumentatifs qui justifient ou rejettent le modèle du CSC, l'analyse des processus de dissémination internationale du modèle à travers des forums supranationaux et différentes juridictions, ainsi que l'examen des adaptations locales de ce modèle selon les contextes institutionnels spécifiques. Une partie de la collecte de données consiste en des entretiens avec des élites politiques et scientifiques impliqués dans les débats pour institutionnaliser le modèle. Les entretiens avec de tels acteurs posent fréquemment des défis de recrutement. La position de leadership de l'équipe du projet dans le Réseau francophone international en conseil scientifique (RFICS) favorisera toutefois ce recrutement et lui permettra d'organiser en fin de projet un atelier délibératif avec des personnes influentes dans les forums internationaux pertinents.
La recherche contribuera à l'avancement des connaissances dans les études historiques, philosophiques et politiques des relations entre science et politique. Elle permettra de clarifier les dynamiques qui sous-tendent la popularité récente du modèle du CSC, en particulier dans des contextes tels que la France et le Québec, où les débats sur l'intégration de la science dans les politiques publiques sont particulièrement vifs. En fournissant un cadre d'analyse rigoureux basé sur la théorie de l'argumentation de Toulmin, la diffusion des politiques publiques et le néo-institutionnalisme discursif, ce projet apportera un éclairage nouveau sur les pratiques et les justifications entourant l'institutionnalisation des CSC. De plus, ce cadre d'analyse interdisciplinaire novateur pourra être réutilisé par des équipes de recherche travaillant sur d'autres modèles de politique publique faisant l'objet d'une dissémination internationale.
Les avantages potentiels de cette recherche dépassent le cadre universitaire. Il est fréquent que les propositions législatives sur la science pour le politique soient elles-mêmes peu informées par la recherche. En ciblant les personnes influentes, la stratégie de mobilisation de connaissances du projet favorisera la prise en compte de nos résultats dans les futures délibérations collectives sur la pertinence d'institutionnaliser le modèle du conseiller scientifique en chef. De plus, cette démarche s'inscrit dans une stratégie du RFICS pour que les façons de faire et d'institutionnaliser le conseil scientifique soient, à l'avenir, systématiquement informées par la recherche.
Financement
Savoir
CRSH
2025-04 - 2028-03